J’aime et je l’ai dit à de nombreuses reprises tout ce
qu’écrit Christiane Veschambre. J’aime aussi sa personne. Et je ne saurais trop
recommander à ceux qui ne l’auraient pas encore vraiment fait, de prendre le
temps de lire Basse langue, livre qui portant
en apparence sur la lecture, plonge en fait assez douloureusement au coeur de
toute l’expérience intime que peut avoir une femme de ce qui l’a mise au monde
non comme structure close délimitée par un moi connaissable, mais comme puissance
d’accueil, toute nourrie de ses manques et de ses incertitudes profondes.
Chacun à notre place nous sommes les acteurs de la vie littéraire de notre époque. En faisant lire, découvrir, des œuvres ignorées des circuits médiatiques, ne représentant qu’une part ridicule des échanges économiques, nous manifestons notre volonté de ne pas nous voir dicter nos goûts, nos pensées, nos vies, par les puissances matérielles qui tendent à régir le plus grand nombre. Et nous contribuons à maintenir vivante une littérature qui autrement manquera à tous demain.
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lundi 12 mars 2018
VIE ET MORT D'UN PERSONNAGE. ÉCRIRE, UN CARACTÈRE DE CHRISTIANE VESCHAMBRE AUX ÉDITIONS ISABELLE SAUVAGE.
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dimanche 4 février 2018
UN GRAND POÈME DE LA VILLE. KALA GHODA DE ARUN KOLATKAR (1931-2004)
Je reviens aujourd'hui, suite à diverses rencontres qui m'ont amené à l'évoquer, sur le superbe grand livre sous-titré Poèmes de Bombay, du poète indien disparu en 2004, Arun Kolatkar.
Une gamine, "un
polichinelle dans le tiroir depuis, à vue de nez, sept mois" "cavale comme une
gazelle", un jerrycan à la main à la poursuite de la carriole d'un vendeur de
kérosène. À l'heure du petit déjeuner, un bossu cul de jatte bat, sur son
"skateboard maison" des records de vitesse, "s'envole sur les ralentisseurs"
pour coiffer au poteau un "vieux paralytique en fauteuil roulant fabriqué avec
deux vélos cannibalisés". "Tel un Démosthène frappadingue", un ivrogne qui se
réveille tonne à l'adresse de la ville entière qu'elle n'est qu'un "colossal
tas de merde". "Les doigts funambules" d'un aveugle "tressent un lit de corde"
qui "se tourne et se retourne dans ses bras" comme s'il apprenait à danser.
Tandis qu'un peu plus loin, "tchac-a-boum-tchac-tchac tchac-a-bim-boum-bam"
passe la fanfare des lépreux, le Bombay Lepers'Band. On le voit. C'est une
sorte de Cour des Miracles que met en
scène le poète indien Arun Kolatkar dans ces Poèmes de Bombay que les éditions
Gallimard nous ont fait découvrir grâce au talent de ces deux
traducteurs que sont Pascal Aquien et Laetitia Zecchini. Toutefois cette Cour
des Miracles que constitue la population du quartier de Kala Ghoda que notre
auteur a observé des années durant, de sa table du Wayside Inn qui lui offrait
une vue dégagée sur ce carrefour fréquenté au centre de la métropole indienne,
n'a rien de l'espace sordide, inquiétant, malfaisant que le roman de Victor
Hugo, Notre Dame de Paris, en quête de pittoresque d'époque, a popularisé.
(1)
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lundi 11 décembre 2017
LA GUERRE REND-ELLE FOU ? LES SOLDATS DE LA HONTE DE JEAN-YVES LE NAOURS.
C'est un des multiples avantages
des rencontres que nous organisons que de relancer à chaque fois notre
curiosité. Pour les livres. Certes. Mais aussi au gré des conversations, des échanges,
pour des lieux. Des époques. Des personnes. Des évènements. Des problèmes...
Une de nos rencontres avec Gisèle
Bienne, autour de la Ferme de Navarin,
a ainsi été l'occasion de nous souvenir avec elle de bien des lectures que nous
avons faites autour de la première guerre mondiale - nous en ferons peut-être
un jour la liste - mais aussi de nous décider à nous intéresser de plus près à
cette question des "mutilés mentaux" qu'un ancien article relatif au Cimetière des fous de Cadillac (Gironde)
nous avait fait, en son temps, découvrir.
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samedi 9 décembre 2017
RECOMMANDATION. KASPAR DE PIERRE DE LAURE GAUTHIER À LA LETTRE VOLÉE.
Comment le dire : insignifiants
de plus en plus m’apparaissent ces petits
poèmes qu’on peut lire aujourd’hui publiés un peu partout, sans le secours
du livre. Non du livre imprimé, de l’objet
d’encre et de papier qu’on désigne le plus souvent par ce terme. Mais de cet
opérateur de pensée, de ce dispositif supérieur de signification et
d’intelligence sensible qui organise les perspectives, relie en profondeur et
me paraît seul propre à mériter le nom d’œuvre.
Non, bien entendu, que tel petit
poème ne puisse charmer par tel ou tel bonheur d’expression, la justesse par
laquelle il s’empare d’un moment ou d’un fragment de réalité et parvient ainsi
à s’imprimer dans la mémoire. Et nous disposons tous – et moi pas moins qu’un
autre - de ce trésor de morceaux qu’à l’occasion nous nous récitons à
nous-mêmes et dans lequel, même si c’est devenu un cliché de le dire, certains,
dans les conditions les plus dramatiques puisent pour donner sens à leur souffrance
et trouver le courage ou la volonté d’y survivre.
Mais la littérature me semble
aujourd’hui avoir bien changé. Nous ne sommes plus au temps des recueils.
Difficile de plus en plus d’isoler radicalement la page de l’ensemble dans lequel elle a place. C’est en terme de
livre qu’aujourd’hui paraissent les œuvres les plus intéressantes. Pas sous
forme de morceaux choisis. Ce qui rend aussi du coup la critique plus
difficile. Aux regards habitués, comme le veut notre époque, aux feuilletages.
Au papillonnage. Aux gros titres. À la pénétration illusoire et rapide.
Le livre de Laure Gauthier, kaspar de pierre, paru à La Lettre volée, est précisément de ceux
dont le dispositif et la cohérence d’ensemble importent plus que le détail
particulier. Ou pour le dire autrement est un livre dans lequel le détail
particulier ne prend totalement sens qu’à la lumière de l’ensemble. Non
d’ailleurs que tout à la fin nous y paraisse d’une clarté parfaite. S’attachant
à y évoquer non la figure mais l’expérience intérieure de ce Kaspar Hauser que
nous ne connaissons le plus souvent qu’à travers l’image de « calme orphelin » rejeté par la vie,
qu’en a donnée Verlaine, Laure Gauthier, à la différence de ceux qui se sont
ingéniés à résoudre le bloc d’énigmes que fut l’existence et la destinée de cet
étrange personnage, ramènerait plutôt ce dernier à sa radicale opacité, son
essentielle différence qui n’est peut-être d’ailleurs à bien y penser que
celle, moins visible et moins exacerbée par les circonstances certes, de chacun
d’entre nous.
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vendredi 17 novembre 2017
SUR NOTRE INCAPACITÉ À NOUS SOULEVER CONTRE CE QUI EST DÉTESTABLE.
Pour des raisons que chacun comprendra et qui débordent largement le parallèle
que je faisais entre les mutineries de 1917 et « le délire officiel »
de Noël, au moment où d’aucuns se sentent malgré eux, enrôlés dans la défense
d’un modèle social dont on voit de plus en plus clairement qu’il ne profite
qu’à une minorité d’individus qui se sont, semble-t-il, donnés comme objectif d’exploiter le plus possible leurs semblables, pour ne pas parler des
ressources communes de la terre, je crois bon de revenir sur le livre de
l’historien André Loez, que j’ai présenté sur mon ancien blog en décembre 2013.
Il offrira peut-être à chacun de quoi
comprendre en partie les raisons actuelles de notre incapacité à nous soulever
contre un état des choses que nous sommes, je pense, de plus en plus nombreux à
trouver détestable.
Tout vrai lecteur le sait. À l'intérieur
de soi, c'est tout un jeu de configurations et de reconfigurations qui se
produit durant le temps de la lecture. Là s'échangent des temporalités. Des
situations. Des préoccupations. Celles bien entendu de l'ouvrage et des récits
qu'il met en œuvre. Celles aussi qui nous sont propres et qu'aucune lecture
même la plus captivante n'est en mesure de suspendre totalement.
Il en résulte parfois des mises
en relation surprenantes.
Lisant le très important livre
d'André Loez sur les mutins de 1917, que nous ne saurions trop conseiller en
prévision des commémorations tous azimuts à venir, tandis que nous subissions
la terrible pression commerciale correspondant à ce que Baudelaire appelait
déjà dans les Petits Poèmes en Prose, l'"explosion du
nouvel an", quelque chose en nous, malgré l'évidente différence des
matières, malgré le caractère paradoxal et même possiblement choquant de leur
rapprochement, nous enjoignait à chercher ce que ces refus de la guerre étudiés
de façon si attentive par l'historien, un peu dans la lignée des préconisations
du Michel de Certeau de l'Invention
du quotidien, s'efforçaient aussi de nous faire entendre sur notre propre
attitude à l'égard de ce qu'il est possible de considérer aujourd'hui comme
l'obligation sociale de fête.
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lundi 30 octobre 2017
RECOMMANDATION. DÉGELLE DE SÉVERINE DAUCOURT-FRIDRIKSSON.
CLIQUER POUR DECOUVRIR LES EXTRAITS |
La poésie de Séverine Daucourt
Fridriksson est de celles qui puisant au fond de leurs « secrets possibles » sait nous en
communiquer toute l’intelligence vitale sans jamais les révéler. Cela repose
sur une jouissive et permanente façon comme elle dit de décomposer et
recomposer à volonté l’épaisse trivialité de l’existence à partir d’une rage
d’expression qui « veille à défier
l’apathie », s’efforce en permanence à « croiser éros au virage », et me paraît quant à moi avoir fait
sa devise du formidable cri lancé en son temps par Jules Laforgue :
« Non ! vaisselles
d’ici-bas. »
Pourtant le fond d’expérience dont procède le livre de Séverine
Daucourt-Fridriksson est pour une bonne partie désolant. Dégelle dont le titre bien entendu peut s’entendre comme la mise en
féminin de ce dégel qu’elle évoque dans un passage du livre (p. 123) mais comme
opération qui à son dire « prendrait
des siècles », fait plutôt à mon sens apparaître son auteur comme une
femme ayant fait l’expérience souvent cruelle de ce qu’est la dégelée de vivre. De voir ses rêves,
tous les joyaux attendus du quotidien se ternir sous ses yeux à l’épreuve
de la veulerie des hommes, de l’imposture des uns, de la démesure de l’ego des
autres, de l’avidité des familles, sans compter, c’est le mot, l’implacable
mécanique de la rentabilité bancaire... Et
ces défaites qui me semblent bien être évoquées dans le livre n’en paraissent
que plus cuisantes du fait du peu ordinaire appétit de vivre et d’être aimée de
son auteur.
CLIQUER POUR LIRE |
Comme rien ne remplace finalement
la rencontre directe avec le texte, je renverrai au lecteur le soin de se faire
une idée de l’inventivité et de la puissance d’expression de l’écriture de
Séverine Daucourt-Fridriksson - dont je tiens
à rappeler au passage la remarquable traduction qu’elle a donnée chez LansKine,
d’oursins et moineaux, un très beau
livre de poèmes de l’islandais Sjón (voir ci-contre) - en lisant les quelques pages d’extraits que nous donnons en tête de notre billet. Extraits qu’on ne pourra pas, j’imagine, éviter de faire entrer en résonance avec les débats présents. Pour leur conférer
des perspectives – on peut toujours rêver - un peu moins rétrécies.
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mardi 12 septembre 2017
RECOMMANDATION : SIDÉRER, CONSIDÉRER DE MARIELLE MACÉ.
C’est un texte court. Qui ne
répond certes pas à toutes les questions notamment politiques qu’il soulève
mais qui, rendant plus attentifs, nous conduit à aborder ces dernières avec plus
de lucidité et surtout de cette véritable et nécessaire humanité qui
permettrait de construire demain un monde enfin plus habitable. Pour tous. Confrontée
à la réalité à première vue sidérante de cette misère qui, venue d’un peu
partout, tente aujourd’hui de s’installer dans le peu d’espace que l’égoïsme et
l’arrogance de nos sociétés protégées, provisoirement lui abandonnent1, l’essayiste Marielle Macé dont nous apprécions depuis longtemps le travail, s’efforce, avec beaucoup
de pudeur mais aussi de résolution, de redéfinir le regard qu’il nous
appartient de poser sur ces populations démunies que nous aurions tort de ne
considérer, au mieux, que comme de malheureuses victimes.
Ceux qui suivent depuis ses
débuts notre blog gardent peut-être en mémoire la recommandation que nous avons
faîte, lors de sa publication, du beau livre de Sylvie Kandé, La Quête infinie de l’autre rive, qui
avait, entre autre, le mérite de nous faire voir les migrations actuelles non
plus comme des actes de désespoir mais comme affirmations d’être relevant, pour
qui sait les comprendre de l’intérieur mais aussi dans leur histoire, d’une
véritable geste héroïque.
Sans bien entendu recourir au
caractère épique de la poète franco-sénégalaise, l’ouvrage de Marielle Macé nous
amène aussi à considérer autrement ces vies que nous sommes toujours trop
nombreux à recevoir comme « au fond
pas tout à fait vivantes » ou comme l’écrit Judith Butler qu’il cite « comme des non-vies, ou comme partiellement
en vie, ou comme déjà mortes et perdues d’avance, avant même toute forme de
destruction ou d’abandon ». Non !
Répond avec la plus grande énergie Marielle Macé : ces vies sont au
contraire « absolument vivantes » !
Et d’affirmer, comme nous le montre bien encore au passage le livre de Sophie G. Lucas, moujik moujik, que nous nous
réjouissons d’avoir sélectionné pour le Prix des Découvreurs 2018, que « les vies vécues sous condition d’immense
dénuement, d’immense destruction, d’immense précarité, ont sous ces conditions
d’immense dénuement, d’immense destruction et d’immense précarité, à se vivre.
Chacune est traversée en première personne, et toutes doivent trouver les
ressources et les possibilités de reformer un quotidien : de préserver,
essayer, soulever, améliorer, tenter, pleurer, rêver jusqu’à un quotidien, cette
vie, ce vivant qui se risque dans la situation politique qui lui est
faite. »
![]() |
Démantèlement par les CRS de la zone sud de la "Jungle" de Calais, le 16 mars 2016 |
Cette reconnaissance ne peut pas aller
sans colère. Colère devant « l’indifférence,
le tenir-pour-peu, par conséquent la violence et la domination […] toutes les dominations,
celles qui justement accroissent très concrètement la précarité. » Et là justement se trouve l’une des vertus
principales du poète, de l’artiste, affirme Marielle Macé qui rappelle Hugo,
Baudelaire, Pasolini et appuie sa réflexion sur l’Austerlitz de Sebald, la relation de Walter Benjamin à sa
bibliothèque, le film de Claire Simon, le
Bois dont les rêves sont faits, les récits attentifs mais dénués de pathos
d’Arno Bertina ou, pour finir, sur le très beau livre de Jean-Christophe
Bailly, Le Dépaysement dont elle
retient l’idée qu’un pays n’est pas un « contenant » mais « une
configuration mobile d’effets de bords » ce qui nous impose de « ne pas enclore chaque idée de vie mais au
contraire de l’infinir et reconnaître
ce qui s’y cultive ».
Car ce qui s’y cultive, souligne
bien Marielle Macé, n’est pas que la pure négativité de la souffrance, du deuil
et de la misère. S’y cultivent aussi l’adaptation, le bricolage, l’invention,
l’utopie, le rêve, … bref tout un système de compétences qui mis en œuvre avec parfois
de formidables énergies vise à organiser ou réorganiser la vie et à lui donner
ou redonner humainement forme. Les preuves n’en manquent pas. Comme ce dont
témoigne le travail du Pôle d’exploration
des ressources urbaines ( PEROU), un collectif de politologues, de juristes, d’urbanistes
d’architectes et d’artistes : l’installation en moins d’un an et dans les
conditions détestables qu’on sait, par les 5000 exilés de ce qu’on a appelé la
Jungle de Calais, de « deux églises,
deux mosquées, trois écoles, un théâtre, trois bibliothèques, une salle
informatique, deux infirmeries, quarante-huit restaurants, vingt-quatre
épiceries, un hammam, une boîte de nuit, deux salons de coiffure. »
Détruire à grands coups de pelleteuse comme le font les « autorités » cet existant, pour en
déloger les migrants ne se réduit pas simplement à réduire par les moyens de
notre technologie, mécanique et policière, des abris insalubres, montés à
partir de matériaux précaires qui défigurent le paysage, c’est surtout démolir
des idées, « des idées de vie, qui
se tiennent tout à fait hors de la vie partagée mais qui disent qu’on pourrait faire autrement et accueillir
autrement. »
Alors, oui, Sidérer, considérer, sous-titré Migrants en France, 2017 est
un livre qu’il faut lire pour, qu’enfin débarrassés de l’écœurante parure de
bons sentiments qui nous amènent à verser des larmes hypocrites sur les
souffrances dont le monde se contente trop souvent de nous livrer le spectacle,
nous nous mettions à reconnaître en chaque démuni une vie qui elle aussi
s’invente et se cherche et a toujours quelque chose à nous dire. Pas seulement
sur ce qu’elle est mais aussi sur ce que nous pourrions être. Avec plus
d’intelligence et surtout de réelle attention envers tous ces possibles que
tellement, malgré tous nos savants discours et nos grandes mais infertiles résolutions,
nous négligeons2.
NOTES :
1.
On
lira à cet égard avec beaucoup d’intérêt les premières pages du livre qui
analysent avec acuité le paysage urbain dans lequel s’est établi le camp de
migrants et de réfugiés dont part Marielle Macé pour lancer sa réflexion sur le
caractère sidérant dans certaines de nos villes des indécents voisinages qui s’y
produisent.
2.
Voir
pour prolonger cette idée de fertilité : http://lesdecouvreurs2.blogspot.fr/2016/09/exoten-raus.html#more
lundi 3 juillet 2017
RECOMMANDATIONS DÉCOUVREURS. ÉTÉ AVEUGLE DE ROSE AUSLÄNDER
Été aveugle
Les roses ont un goût rouge-rance —
un été acide est sur le monde
Les baies se gonflent d'encre
et sur la peau de l'agneau le parchemin se rêche
Le feu de framboise est éteint —
un été de cendres est sur le monde
Les hommes vont et viennent paupières baissées
sur la berge aux roses rouillée
Ils attendent que la colombe leur porte des nouvelles
d'un été étranger sur le monde
Le pont de pointilleuse ferraille
ne s'ouvre qu'à ceux en ordre de marche
un été aveugle est sur le monde
Blinder Sommer
Die Rosen
schmecken ranzig-rot —
es ist
ein saurer Sommer in der Welt
Die
Beeren füllen sich mit Tinte
und auf der Lammhaut rauht das
Pergament
Das
Himbeerfeuer ist erloschen —
es ist
ein Aschensommer in der Welt
Die
Menschen gehen mit gesenkten Lidern
am
rostigen Rosenufer auf und ab
Sie warten auf die Post der
weissen Taube
aus einem
fremden Sommer in der Welt
Die
Brücke aus pedantischen Metallen
darf nur
betreten wer den Marsch-Schritt hat
Die
Schwalbe findet nicht nach Süden —
es ist
ein blinder Sommer in der Welt
Née le 11
mai 1901 à Czernowitz (Autriche-Hongrie ; actuelle Ukraine) et morte le 3
janvier 1988 à Düsseldorf (Allemagne), Rose Ausländer est une poétesse
d'origine juive allemande.
Comme le dit la
belle et longue présentation du regretté Gil Pressnitzer qu’on trouve
d’elle sur le site Esprits nomades, « son histoire semble être le symbole du
naufrage de cette Mitteleuropa, de cette culture de l'Europe centrale qui a
disparu dans les flammes et les camps de la mort ».
Nous ne
saurions trop recommander à nos amis enseignants de se pencher sur les textes
mais aussi sur la destinée de cet auteur qui, injustement méconnue fait partie
comme l’écrit Gil Pressnitzer de ces grands poètes juifs : Paul Celan,
Nelly Sachs, Ingeborg Bachmann qui, pour avoir fait intimement l’expérience de
l’horreur, donnent chair aux choses indicibles.
Libellés :
AGIR CONTRE LES BARBARIES,
SORTIR DU NOIR,
TRADUCTION,
VOIX
mercredi 28 juin 2017
SÉLECTION DÉCOUVREURS. MOUJIK, MOUJIK, DE SOPHIE G. LUCAS.
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Il est des
livres qu’on n’écrit pas sans colère. Non de cette colère furieuse des forcenés
mais de cette « triste colère »
qu’évoque le poète Alexandre Blok qui monte en soi face aux manquements dont
notre société nous fournit régulièrement le spectacle.
Non que nous
soyons obsédés par cette façon dont nos sociétés traitent la foule de ceux
qu’elle relègue de plus en plus à leurs marges. Dans un monde où des poignées
d’hommes peuvent en toute apparente légalité posséder l’équivalent des
richesses de tout un continent et où la plupart trouve normal qu’un sportif ou
un dirigeant d’entreprise gagnent en un mois plus d’une vie de salaire d’un ouvrier
qui risque, sur les chantiers qu’il enchaîne, sa santé quand ce n’est pas sa
vie, la misère, si ce n’est au cinéma, ne fait pas vraiment scandale et même si
dans nos villes elle s’expose assez clairement, nous savons parfaitement en
détourner le regard, lui opposer une sorte d’opacité rétinienne, d’indifférence
intime qui n’est sans doute qu’une des conditions du maintien de notre propre
tranquillité ou sécurité affectives.
CLIQUER POUR LIRE |
C’est
pourquoi un travail comme celui qu’a mené Sophie G. Lucas, avec moujik moujik que les éditions de la Contre Allée ont eu l’intelligence de rééditer après une première publication
en 2010 aux Editions des Etats civils de
Marseille, doit être tout particulièrement salué. Précédé par une épigraphe
empruntée à Jehan Rictus, ce poète méprisé qui se voulait l’ « Homère de la Débine » et n’hésitait pas
à en appeler à « la vaste et triomphante
jacquerie, l’assaut dernier et désespéré des masses vers les joies d’Ici-bas,
vers la vie heureuse et confortable, l’Art et la Beauté, tous les éléments du
Bonheur dont les humbles sont injustement privés et auxquels ils ont droit
», l’ouvrage de Sophie G. Lucas s’attache à ce « qu’on voit de nouveau ces hommes et ces femmes de la rue. Qu’on les
regarde ». Qu’on se confronte à cette part de vie et de mort que leur
corps, le décor dans lequel ils vivent et les mots qu’ils utilisent ont à
raconter. À cet insidieux et collectif mépris de la personne qu’ils ont aussi à
dénoncer.
mercredi 7 juin 2017
SÉLECTION DÉCOUVREURS. POUR UNE INTELLIGENCE ÉLARGIE DU VIVANT. NÉ SANS UN CRI D’AMANDINE MAREMBERT.
CLIQUER POUR OUVRIR LE PDF |
J’ai pu il y a quelque temps dire
sur ce blog tout le bien que je pensais du livre d'Amandine Marembert que nous avons choisi pour figurer dans la
nouvelle sélection du Prix des Découvreurs qui sera lancée dans les classes en
septembre prochain. Et je reste intimement persuadé que cet ouvrage sera pour
les jeunes à qui nous le proposons plus qu’une simple découverte d’écriture. Il
sera sûrement l’occasion pour eux de réfléchir à la manière dont les vies,
toutes les vies, sont prises dans des formes et à la nécessité qui est la nôtre
de faire l’effort d’entrer le plus possible dans la grammaire parfois bien différente
des autres si nous voulons parvenir à une intelligence élargie du vivant.
Je le répète : la beauté du
livre d’Amandine Marembert n’est pas réductible à sa dimension anecdotique,
psychologique ou médico-sociale. Elle est politique, philosophique et
artistique. En un mot poétique dans la mesure où chaque page y est exemplairement
vécue comme une tentative de rejoindre par la parole ce qui reste pour nous
sans mots. Ce monde « hiéroglyphe »
et singulièrement autre qui ne communique avec nous qu’à travers sa
respiration. Ses gestes. Ou le profond remuement qu'il nous faut bien apaiser de son silence.
Libellés :
COMPATRIOTES DE L'AILLEURS,
ETRANGERS,
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OUVERTURE,
SORTIR DU NOIR,
VIVANT
lundi 5 juin 2017
SÉLECTION DÉCOUVREURS. GÉNÉROSITÉ DES MORTS. LAME DE FOND DE MARLÈNE TISSOT.
CLIQUER POUR DECOUVRIR LES EXTRAITS |
« Je voudrais écrire mieux » affirme
Marlène Tissot dans Lame de fond,
l’ouvrage que nous venons de sélectionner pour l’édition 2017-18 du Prix des
Découvreurs. Certes, malgré tout le talent dont un auteur peut disposer, il lui
est difficile de hausser sa parole au-dessus des clichés qui s’offrent
spontanément et de trouver les mots qui parviennent à répondre à l’appel que
nous adressent les êtres et les choses par lesquels nous faisons parfois
l’expérience de nous sentir traversés.
Alors, dire
ce qu’une jeune vie doit à une autre qui vient de disparaître et tenter de la
reconstituer vivante au cœur d’un petit livre d’une soixantaine de pages, est
une entreprise dont chacun comprend bien à quelles nécessités intérieures elle
correspond et à quelles impossibilités bien sûr elle se heurte. Mais là est le
combat depuis toujours de la littérature. D’affronter sa propre impuissance. Et
de la cendre des mots tout faire pour qu’en rougeoie à l’intérieur de nous les
braises.
Lame de fond de Marlène Tissot, comme l’indique clairement
son titre, est de ces livres portés par un désir et une maîtrise de parole qui parviennent
justement à retenir un peu de ses chaleurs et de son mouvement à la vie qui
déserte. Non à ressusciter bien sûr les temps ou les êtres pour toujours
en-allés mais à les constituer quand même en vibrants paysages. Dans la
perception juste et émotionnellement vérifiée de leurs distances. De leur
durable et émouvante interpellation.
À la lecture
de ce beau livre, un jeune lecteur comprendra peut-être alors comment la quête
de l’autre peut conduire à une redécouverte en profondeur de soi. Et quelles
forces vives se communiquent parfois du souvenir des morts qui ont su nous aimer.
Peut-être
aura-t-il ainsi la chance de comprendre que nous ne sommes jamais seuls et que
ceux qui sont condamnés à mourir vraiment sont ceux dont personne jamais plus
ne se souvient. D’où la nécessité de se poser et reposer sans cesse la même question
du sens que nous voulons donner à notre propre vie et de l’importance de ce que nous devons à ces morts généreux qui, n'ayant jamais de leur vivant tenté de nous soumettre aux tristes obligations de la réussite sociale continuent de nous encourager à « avancer dans la bonne direction ».
NOTE :
Les extraits que nous proposons
ici de lire seront repris dans le dossier final de l’édition 2017-18 du Prix
des Découvreurs qui devrait être disponible début juillet.
Libellés :
DEUIL,
ENERGIE,
POESIE CONTEMPORAINE,
SORTIR DU NOIR
mardi 25 avril 2017
REPRENDRE PIED DANS SA PAROLE. ZONE INONDABLE DE FRANÇOIS HEUSBOURG.
![]() |
BILL VIOLA LE DELUGE |
Oui nous avons besoin de parole. C’est la
vie. Et c’est le propre des poètes ou de façon plus générale de ceux qui
entretiennent une relation dynamique à la parole que de témoigner de cette
nécessité profonde dont chaque jour, pour ma part, je m’émerveille. Ne
sommes-nous pas dans tout le vaste univers connu, la seule parmi ces millions
et ces millions, ces milliards, peut-être, d’espèces vivantes, la seule à
disposer de cette capacité de prolonger notre existence en paroles. Des paroles
qui nous survivent. Et que pour les plus abouties d’entre elles et les plus
nourrissantes, nous pouvons nous transmettre de générations en générations.
Que la poésie soit une parole avant tout liée
à la vie, à cette pression que sur nous elle exerce, j’en trouve encore aujourd’hui
comme preuve le petit livre de François Heusbourg que les éditions AEncrages
& Co viennent de faire paraître sous le titre de Zone inondable. Comme l’indique le site de l’éditeur, François
Heusbourg y aborde « les inondations terribles qui ont eu lieu en octobre
2015 dans le Sud littoral », entraînant la mort de 21 personnes et
provoquant dans plus d’une trentaine de communes des dégâts considérables.
C’est en victime lui-même de cette
catastrophe que François Heusbourg élabore une parole s’efforçant de rendre
compte de cette situation proprement irreprésentable dans laquelle il se trouve
dans un premier temps plongé. Bouleversement des repères d’espace et de temps. Tout,
le corps, la pensée, les cloisons d’habitudes et les définitions d’ordinaire bien
convenues entre les choses, voilà que tout est devenu d’un seul coup différent.
Perméable. Et c’est bien comme un moment de sidération que les mots du poème
tentent de conjurer, réservant au blanc, le soin d’inonder l’espace de la page
où ne surnagent que quelques notations factuelles, des impressions déboussolées,
un sentiment particulier d’impuissance et de vulnérabilité de l’être qui finit
par n’avoir d’autre issue, après avoir tenté quelques gestes dérisoires, que de
se laisser emporter par le flot désarmé du sommeil.
mardi 24 janvier 2017
PUISSANCE DE LA POÉSIE. APOLLINAIRE ET CHARLOTTE DELBO. AUCUN DE NOUS NE REVIENDRA.
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Egon Schiele, La Jeune Fille et la Mort |
Oui, amis
enseignants. Il pourrait être intéressant à l’école, plutôt que de trop
chercher à vouloir découvrir ce que peut bien signifier, en soi, tel poème
écrit il y a maintenant des siècles, de réfléchir à la nature de l’écho que des
lecteurs actuels, en fonction de leur situation propre, peuvent toujours percevoir
en lui.
C’est le 30
ou 31 mars 1902, un dimanche donc ou un lundi de Pâques, jour de résurrection,
que Guillaume Apollinaire, pénètre pour la première fois dans l’Alter Nördlicher Friedhof de Munich dont
les tombes aux allures parfois inattendues semblent surgir d’un flot de mousses
et de verdure. De ce qu’il ressent alors, découvrant - à l’intérieur de ce
qu’on appelait autrefois l’obituaire,
mot disparu remplacé dans notre franglais d’aujourd’hui par l’expression Funeral Home - une troupe impassible de
morts, gentiment préparés et bien allongés dans leur bière et qui semblent
l’attendre, on n’en saura rien que la fantaisie qu’après quelques vicissitudes,
il intégrera à son recueil Alcools, sous
le titre de La Maison des morts.
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mardi 3 janvier 2017
EN 2017. L’ÉDUCATION ! POUR LA CONSTRUCTION D’UN AVENIR MEILLEUR, DURABLE ET FRATERNEL.

Que les enfants qui tiennent ici
entre leurs mains, non une colombe blanche mais un merle sans doute - ce qui me fait
personnellement penser à l’admirable texte de Fabienne Raphoz sur le merle de
son jardin (dont on trouvera un extrait page 30 de notre Dossier Découvreurs 2013) - soient ce que nous avons de plus précieux et que l’avenir que nous leur
construisons constitue l’interrogation fondamentale qui devrait nous habiter
tous, voilà ce qui pour moi ne souffre plus discussion.
vendredi 9 décembre 2016
LITTÉRATURE ENGAGÉE. UN LIVRE À FAIRE TRAVAILLER DANS LES CLASSES !
Cliquer dans l'image pour accéder à nos extraits |
« C’est pas l’affaire privée de quelqu’un, écrire. C’est vraiment se
lancer dans une affaire universelle. Que ce soit le roman, ou la philosophie.
» Ce n’est certes pas le livre d’Alice Ferney, Le Règne du vivant, qui vient d’être réédité en Poche après sa
publication en 2014 aux éditions Actes Sud, qui donne tort au propos que Gilles
Deleuze aura tenu dans son Abécédaire, confronté
à la lettre A de Animal.
Court, prenant, engagé, le livre d’Alice
Ferney qui s’insurge contre l’accaparement et la destruction par les humains de
l’espace naturel qu’ils se révèlent incapables de partager vraiment avec toutes
les autres formes de vie, mérite d’être proposé aux jeunes qu’il est en mesure
de sensibiliser à l’usage que nos sociétés dîtes avancées font du monde dont
elles s’estiment toujours, pour reprendre l’expression bien connue de
Descartes, « comme maîtres et possesseurs ».
lundi 7 novembre 2016
VULNÉRABLE GÉNÉROSITÉ DE LA POÉSIE. STÉPHANE BOUQUET.
![]() |
EDUARD OLE
PASSENGERS 1929
|
Merci
aux éditions Champ Vallon de m’avoir adressé le dernier livre de Stéphane
Bouquet, Vie commune. Ceux qui me
font l’amitié depuis quelques années de lire les notes que je consacre aux
poètes que j’estime savent tout le bien que je pense de l’œuvre de cet auteur
auquel j’ai consacré l’un des tous premiers billets de mon précédent blog (Voir).
L’ouvrage
aujourd’hui présenté ne fait pour moi que confirmer l’importance du travail de
cet auteur. Importance dont me persuadent moins les nombreux arguments que
pourraient avancer ma raison raisonnante ou la sorte d’évidence avec laquelle
le lisant, ses livres m’apparaissent sortir vraiment du lot commun. Non, si les
livres de Stéphane Bouquet comptent tant à mes yeux c’est qu’ils sont au
sens fort émouvants. Qu’ils
m’émeuvent. Par tout ce qu’ils réussissent à me faire sentir de ce désir
poignant qui nous anime d’une présence élargie aux autres et au monde. Sans
rien cacher de tout ce qui pourtant fait la vie moindre et fausse. Et solitude.
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mercredi 15 juin 2016
BASSE LANGUE DE CHRISTIANE VESCHAMBRE. POUR UNE EXPÉRIENCE VITALE DE LA LECTURE.
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Mantegna, Descente dans les limbes |
« Occident. 2016. Peut-être qu'une époque se définit moins par ce qu'elle poursuit que par ce qu'elle conjure. La nôtre conjure le dehors. Il ne s'agit plus de combattre ce qui n'est pas nous : il s'agit de le faire nôtre. De le transformer en « nous ». Le sauvage, le naturel, l'inexploré, les opposants, l'étranger, le gratuit : rien ne doit rester en dehors du système. L'hétérogène est endogénéisé, l'altérité s'assimile et se métabolise. Le climat ? Il est climatisé. L'inconnu, quel qu'il soit, se radiographie, se cartographie, il est rendu comptable et compatible. Si quelque chose échappe encore, la lisière du géré, le système allonge ses tentacules pour le raccorder au réseau, qui se veut total. »
Les fans, comme on dit, d’Alain Damasio, auront peut-être reconnu la déclaration par laquelle il débute le petit
texte qu’a récemment publié La Volte
et titré Le Dehors de toute chose. Et
il est vrai que nous avons actuellement tout à redouter de cette civilisation
de l’hyper-contrôle que nous favorisons par chacun ou presque de nos
comportements, de cet univers du recouvrement où du fait de l’euphorie produite
par l’illusion de la toute-puissance que procurent les nouvelles technologies
nous laissons s’effacer le sentiment créatif de l’irréductible étrangeté et
incomplétude du monde pour en abandonner l’architecture aux insidieux et
simplificateurs algorithmes des big data.
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samedi 11 juin 2016
SAVOIR REGARDER TOUT LE VIVANT IMMENSE: WILLIAM BARTRAM (1739-1823)
![]() |
The great
Alatchua Savanah, dessin de Bartram
|
Je redonne aujourd’hui ce billet que j’ai consacré en son temps aux
Voyages de William BARTRAM. Ce dernier viendra heureusement s’adjoindre,
j’espère, à cette liste de compatriotes de l’ailleurs que nous entreprenons
d’élargir autant que faire se peut avec les Découvreurs.
Les débuts d'année
traditionnellement voués aux bilans et aux résolutions de tous ordres sont
l'occasion pour chacun d'embrasser un temps plus large coloré du regret,
certes, de ce que nous aurons, malgré tout, laissé à jamais échapper mais de
l'espérance aussi que l'espace que nous croyons ouvert à nouveau devant nous,
nous permettra, qui sait, de ressaisir un peu de ce que nous avons perdu.
C'est pourquoi nous voudrions
revenir aujourd'hui rapidement sur ce gros livre des Voyages de Bartram, que les éditions Corti, ont publié en février
2013 dans leur magnifique collection Biophilia.
Un tel livre de quelques 500 pages, présenté comme une édition naturaliste,
ponctué de nombreuses descriptions et de longues listes botaniques a de quoi
faire un peu peur. Mais n'aura
heureusement pas empêché les excellentes et nombreuses critiques qui en ont
rendu compte
et dont on pourra lire une partie ici.
mardi 31 mai 2016
POUR UN ÉLARGISSEMENT D’ÊTRE. DOSSIER DU PRIX DES DÉCOUVREURS 2016-2017.
Cliquer dans l'image pour ouvrir le dossier |
À travers eux se lira sans
difficulté la conception ouverte que nous avons de la poésie et tout ce qu’elle
peut aujourd’hui présenter de différent, de nouveau, de singulier par rapport
aux conceptions malheureusement trop étroites dans lesquelles on l’enferme
traditionnellement.
Apparaîtra aussi, du moins nous
l’espérons, outre la grande diversité rendue aujourd’hui possible des
écritures, la capacité que possède la poésie actuelle d’interroger le monde
sous tous les aspects que nous lui connaissons. Du plus intime au plus
collectif. Du plus lointain au plus proche.
Bien entendu, la poésie reste un
art du langage. À ce titre, on ne peut la réduire, comme un simple article de
journal, à ses significations. Il importera donc toujours de rester attentif à
ce qu’on appelait autrefois « la manière », c’est-à-dire ici les choix
particuliers d’écriture, plus ou moins singuliers, plus ou moins manifestes,
par lesquels chaque auteur se donne en principe, sa voix propre. Proposant du
même coup au lecteur d’inventer sa lecture elle aussi singulière.
Nous avons bien conscience encore
qu’il n’est pas toujours facile d’entrer dans des formes d’écriture auxquelles
on n’est pas préparé. C’est pour cela que plutôt que d’un appareil critique aux
explications forcément réductrices nous accompagnons ces extraits d’un certain
nombre d’illustrations dont l’objectif n’est pas seulement de rendre ce dossier
visuellement attractif. Sans en être le commentaire ou l’illustration l’image
peut ici établir une sorte de dialogue avec le texte, soit en en favorisant
l’entrée, soit en lui offrant un prolongement possible.
Nous aurons le sentiment d’avoir
réussi notre pari si, partant des extraits, chacun éprouvait la curiosité de
prolonger sa lecture en allant découvrir les livres en leur totalité. Et y
trouvait aussi, pourquoi pas, pour lui, des possibilités inédites d’écriture.
Lire / écrire, à la condition
d’accepter de sortir de ses circuits d’habitude, sont une seule et même
activité. D’elle nous tirons, c’est une certitude, le plus sûr élargissement
d’être. La promesse d’une existence adulte.
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jeudi 12 mai 2016
MIEUX CONNAÎTRE LE PASSÉ POUR COMPRENDRE LE PRÉSENT. RENCONTRE AVEC CLÉMENTINE VIDAL-NAQUET.
Comme le remarque justement le
grand historien Lucien Febvre que Clémentine Vidal-Naquet cite en exergue de
son livre sur les correspondances de guerre, « prétendre reconstituer la vie affective d’une époque donnée, c’est une
tâche à la fois extrêmement séduisante et affreusement difficile » que
l’historien toutefois « n’a pas le
droit de déserter ».
Mais pourquoi ? Pourquoi
toujours aujourd’hui, cet échange de millions et de millions de lettres - on parle de plus d'un million par jour - par lequel les couples que formaient nos arrières grands-parents ont répondu à leur séparation massive, peut-il intéresser des jeunes gens qui dépendent de technologies tellement
différentes pour communiquer un quotidien qui n'a apparemment rien à voir avec celui vécu, il y a tout juste un siècle, par
leurs lointains ancêtres.
C’est à cette question que la
jeune et talentueuse historienne Clémentine Vidal-Naquet est venue répondre, à
l’invitation de la Médiathèque de Calais, face à une vingtaine d’étudiants de
BTS du lycée Berthelot. Je ne reviendrai pas sur le contenu de la première
partie de son intervention que le lecteur pourra s’il le désire retrouver dans
la vidéo que nous avons mise en ligne. C. Vidal-Naquet y explique la façon,
fort inattendue, dont elle a pris possession de son sujet, la méthode
particulière qu’elle a suivie – toutes choses passionnantes pour comprendre un
peu la façon dont les choses se font ou pas dans notre esprit. Elle insiste
également sur la façon dont en dépit des différences sociales et des
singularités individuelles ces innombrables correspondances brassent à peu près
toutes, en fait, les mêmes lieux communs, tournant inlassablement autour des
grands thèmes de l’organisation de la vie matérielle, de la santé, de la
famille et aussi de l’amour. Pour ce qui est de ce dernier elle explique en
quoi la menace constante de la guerre, liée à l’éloignement des conjoints a peu
à peu libéré chez certains une parole au départ entravée par toutes sortes de
conventions...
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