BALTHUS |
J’ai vécu mes premières
années dans une rue de Boulogne-sur-Mer dont le nom, seulement maintenant, plus
d’un demi-siècle plus tard, évoque autre chose que ces associations qui forment
le fond ensommeillé, parfois plein de poésie, des esprits encore mal contrôlés
que sont les esprits d’enfance.
Ernest Hamy, cet élément de signalétique que je recopiais
avec ma date de naissance sur les étiquettes de mes cahiers d’écolier, n’était pour
moi qu’une séquence graphique intellectuellement vide qui, même plus tard, lorsque je fus devenu
moins ignorant et alors même que les hasards de l’existence m’eurent conduit à
m’installer à deux pas du beau manoir du
Waast qui fut la résidence d’été de mon lointain compatriote, me laissa sans
curiosité. Stupidement, ma pensée le rangeait parmi les vieilles notabilités,
sans histoire et sans gloire. Pourtant Hamy fut dans la seconde moitié du XIX ème
siècle, un de ces enfants de Boulogne que son époque et son tempérament généreux
portèrent, pour reprendre les mots merveilleux de Montaigne à embrasser l’univers comme sa ville, à jeter
ses connaissances, sa société, ses affections à tout le genre humain,
persuadé aussi qu’il était, comme nombre de ses contemporains éclairés, des
indiscutables bienfaits de la science, des sciences devrais-je dire, et de la
marche irrésistible, juste un peu ralentie parfois, du Progrès.