lundi 16 novembre 2015

ÉMIR ABDELKADER. POUR QUI LE VEUT CORAN. POUR QUI LE VEUT GUINGUETTE !

Portrait d'Abd el-Kader par Jean-Baptiste-Ange Tissier, 1852, musée de Versailles.
Que peuvent les mots des poètes face aux kalachnikovs ? Je ne sais plus trop ce qu’écrivait Jean-Paul Sartre à propos de cette question abordée par lui dans Le Monde du 18 avril 1964. Et je suis bien certain que les plus beaux poèmes du monde n’ont pas vocation à servir de gilet pare-balles à ceux que la violence déchaînée des hommes a malheureusement placés dans son funeste viseur.
De là à en inférer l’inutilité de l’art ou son impuissance face à ces terribles « architectes de la sensibilité », comme les appelle Don De Lillo dans Mao 2 que sont ceux qui entendent, par la radicalité de leurs actes accomplir la parole de Dieu, venger leurs propres martyrs ou hâter la venue de tel ou tel régime qu’ils voudraient imposer à tous, le pas est large qu’il importe surtout de ne jamais franchir.

L’art, s’il n’est pas propagande, ce qui lui arrive parfois, est l’anti-barbarie par excellence



Car il est bien évident que l’art, s’il n’est pas propagande, ce qui lui arrive parfois, est l’anti-barbarie par excellence. Lui qui, en principe, échappe à toute certitude. Ne vit que de la remise en question des dogmes. Est exploration d’inconnu, élargissement continu des possibles et ne vit que de liberté. Tout cela est connu. Et c’est bien pourquoi si l’art et la pensée ouverte de façon générale, ne peuvent directement rien face à la violence, c’est en eux, dans le renforcement, le développement partout de leur puissance civilisatrice,  qu’on trouvera le moyen le plus sûr et surtout le plus durable et le moins risqué, de résister aux menaces que nous voyons émerger dans notre société. Car rien ne serait plus nocif que de répondre à la violence des uns par une contre violence tout aussi aveugle qui viserait globalement tous ceux en qui nous ne nous reconnaîtrions pas. Ceux avec qui nous serions incapables de faire société dans l’affirmation consentie de notre commune humanité faite à la fois de ressemblances fondamentales et de différences partagées.

Peut-être qu’aujourd’hui dans les écoles, il serait bon, que l’enseignement de l’idée de tolérance puisse ne pas seulement renvoyer à nos grands philosophes français du XVIII, dont nous avons tout lieu d’être fiers, mais puisse aussi être mis en relation avec de grandes figures d’origine arabe


C’est pourquoi pensant aujourd’hui, aussi, à tous ceux qui, arabes, musulmans paient depuis beaucoup plus longtemps que nous et bien cher, le prix de la violence fanatique d’origine politique plus que religieuse qu’on désigne sous le nom d’islamisme radical, je voudrais offrir à la réflexion le texte d’une grande figure de la résistance algérienne à la colonisation, homme d’un grand courage et d’une autorité morale incontestable qui le firent admirer jusque par ses propres ennemis qui se conduisirent avec lui d’ailleurs d’une façon autrement moins noble.
Cet homme, l’Émir Abdelkader à qui je dois à mon ami Abdelkader Djémaï qui lui consacra un beau livre, de l’avoir découvert au-delà des images d’Épinal que m’en donnèrent mes anciens livres d’histoire, fut un être humain remarquable, un homme de culture qui loin de craindre l’étranger voire de souhaiter son élimination, encourageait comme l’écrit A. Djémaï, « la traduction des oeuvres du patrimoine universel et l’apprentissage des langues étrangères ». C’est fort sans doute de cette humanité donnée par la culture qu’en juillet de l’année 1860, ainsi que le rapporte toujours A. Djémaï, qu’« à Damas, où vivait une importante communauté algérienne, il se rendit, durant les massacres, qui eurent lieu aussi au Liban, de chrétiens maronites par les druzes, au couvent des Lazaristes pour sauver les membres du clergé et les enfants qui y étaient scolarisés. Des consuls, dont celui de France, et de nombreux chrétiens trouvèrent refuge dans sa maison. Avec ses fils et ses compagnons, il parcourait les rues de la ville pour porter secours et protection aux victimes de ce pogrom qui fit plusieurs milliers de morts. »
Cet homme que la France avait pourtant assez ignominieusement trompé lors de sa reddition en décembre 1847, fut aussi un profond théologien en même temps qu’un authentique poète. Et le texte qu’on trouvera ci-dessous, tiré des Poèmes métaphysiques composés pour introduire son grand Livre des Haltes, montrera bien j’espère, qu’il peut exister ou qu’il a bien existé un Islam tolérant compatible avec nos propres valeurs. Et peut-être qu’aujourd’hui dans les écoles, il serait bon, que l’enseignement de l’idée de tolérance puisse ne pas seulement renvoyer à nos grands philosophes français du XVIII, dont nous avons tout lieu d’être fiers mais puisse aussi être mis en relation avec de grandes figures d’origine arabe dont certains de nos jeunes ont peut-être besoin, également, de connaître l’existence, pour construire durablement un monde qui, sans rien abandonner de la diversité de ses couleurs, serait plus largement ouvert et pacifié.

Pour qui le veut Coran
Pour qui le veut Livre Discriminateur
Pour qui le veut Torah
Pour tel autre Évangile
Pour qui le veut mosquée où prier son Seigneur
Pour qui le veut synagogue
Pour qui le veut cloche et crucifix
Pour qui le veut la Kaaba dont on baise pieusement la Pierre
Pour qui le veut images
Pour qui le veut idoles
Pour qui le veut retraite où vivre solitaire
Pour qui le veut guinguette où lutiner les biches...

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